Justice : un pasteur condamné pour avoir traité de « sorcière » une femme venue chercher la guérison

Le Tribunal de grande instance de Ouaga I s’est penché, mardi 9 septembre 2025, sur une affaire sensible mêlant religion et dignité humaine. Au cœur du dossier : le Pasteur Jonas, responsable du « Ministère du Divin Amour », poursuivi pour avoir publiquement accusé, Dame Salimata, de sorcellerie lors d’une séance de prière.

Les faits

L’affaire remonte à juillet dernier, lors d’une séance de prière organisée à Boassa, dans la périphérie de Ouagadougou. En pleine transe d’une fidèle, le pasteur Jonas a publiquement désigné une femme, Dame Salimata, comme étant une « sorcière ». Une affirmation grave, proférée devant toute l’assemblée, qui a profondément atteint la victime, enseignante de profession.

Indignée par ces propos, et consciente des conséquences sociales qui pouvaient en découler, elle a décidé de saisir la justice. « Je vis dans le quartier, je suis enseignante. Imaginez s’il y a un décès ou une maladie, on va m’accuser à cause de ce qu’il a dit », a-t-elle expliqué à la barre.

Le procès

Face aux juges, le pasteur Jonas a tenté d’atténuer sa responsabilité. Il a affirmé qu’il n’avait fait que décrire un « comportement bizarre » et qu’il ignorait que la loi burkinabè interdisait formellement de telles accusations. Il a ajouté qu’il ne disposait d’« aucune preuve », mais seulement de « visions » reçues lors de la prière. « Je présente mes excuses », a-t-il concédé.

Le ministère public a, pour sa part, estimé que ce type de déclaration sans fondement « crée des sorciers partout » et place injustement les victimes en danger. « Il suffit qu’un enfant décède d’un paludisme grave dans le quartier, et la foule pourrait s’en prendre à Dame Salimata », a rappelé le procureur.

La victime, de son côté, n’a pas réclamé de compensation financière. Elle a uniquement exigé un démenti public, dans l’église et dans le quartier, afin de restaurer son honneur et sa dignité.

Le verdict et ses implications

Après délibération, le tribunal a reconnu le pasteur coupable et l’a condamné à un an de prison et 500 000 F CFA d’amende, le tout assorti du sursis. Le jugement, au-delà de la sanction, envoie un signal clair : les accusations de sorcellerie ne relèvent pas seulement de croyances, mais constituent une infraction pénale.

Un phénomène persistant au Burkina Faso

Cette affaire met une nouvelle fois en lumière la persistance des accusations de sorcellerie au Burkina Faso. Celles-ci touchent particulièrement les femmes et les personnes âgées, souvent stigmatisées, rejetées, voire violentées. Des organisations de défense des droits humains appellent régulièrement à renforcer la sensibilisation et la protection des victimes.

Le cas de Dame Salimata illustre les conséquences sociales dramatiques que peut engendrer une simple parole prononcée sans preuve. Pour beaucoup, le verdict du TGI Ouaga I rappelle que la dignité et la sécurité des citoyens doivent primer sur des croyances qui, encore aujourd’hui, fragilisent le tissu social.

La rédaction