Bobo-Dioulasso, août 2025 – À la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso (MACB), des bruits de métiers à tisser et le piaillement des volailles se mêlent désormais aux habituels murmures de la cour. Dans cet univers clos, où le temps semble d’ordinaire figé, un programme insuffle un rythme nouveau : la formation professionnelle de 25 détenus, dans le cadre de la première phase de l’Initiative présidentielle pour le développement communautaire (IPDC).

Sous un hangar aménagé, les tâches s’enchaînent avec méthode : certains enroulent patiemment les fils, d’autres actionnent les métiers à tisser, tandis que les novices observent attentivement, mémorisant chaque geste. Mariam, détenue depuis 2021, maîtrise déjà sa machine. Ses mains glissent avec assurance sur les fils qu’elle a elle-même teintés. « Avant, je ne savais même pas comment manipuler les fils pour tisser » confie-t-elle, le regard fixé sur son ouvrage. « Aujourd’hui, je peux créer un pagne du début à la fin. Le porter, c’est une fierté. Et surtout, ça nous permet de passer du temps dehors, car l’intérieur, … ce n’est pas facile. » Poursuit la jeune dame. Elle imagine déjà son avenir : ouvrir un petit atelier, former d’autres femmes et vivre de ses créations.

Non loin, Karim, incarcéré depuis 2020, alterne les gestes et les regards vers ses camarades. Pour lui, ce programme est une bouée de sauvetage. « Avant, on passait nos journées à ne rien faire. L’oisiveté, c’est dangereux. Le tissage m’aide à penser à autre chose, à me rapprocher de la liberté. »
L’initiative ne se limite pas au textile. Elle englobe la confection des pagnes Koko dunda, ainsi que l’élevage d’ovins, de caprins et de volailles. Dans un autre espace de la prison, Issouf, détenu depuis un quart de siècle, s’affaire auprès de ses poules. Les grains qu’il verse déclenchent un concert d’ailes et de caquètements. « C’est avec ce régime que ces initiatives sont arrivées. Elles nous préparent à la réinsertion. À ma sortie, je veux être autonome et m’occuper de ma famille », confie-t-il avec espoir.

Des bénéfices à plusieurs niveaux
Pour le directeur de la MACB, Efrem Modeste Ky, les avantages sont tangibles :
« Pour les détenus, c’est une formation qualifiante pour leur réinsertion. Pour la prison, cela réduit les tensions et améliore la sécurité, car un détenu occupé n’a pas l’esprit tourné vers l’évasion. Et pour la société, c’est un futur travailleur qui revient, formé et prêt à contribuer à l’économie. »

Les produits fabriqués sont commercialisés. Les recettes servent à acheter du matériel et à financer la continuité du programme. Les critères de sélection des 25 détenus ont été stricts : condamnation effective, bonne conduite et motivation réelle.
L’obstacle de la sortie
Si le projet pilote est salué, une difficulté demeure : l’accompagnement après la libération.
« Ils apprennent un métier, mais une fois dehors, il faudrait un kit de démarrage pour s’installer. Sans cela, le risque est de perdre les acquis. Nous lançons un appel au Bureau National des Grands Projets du Burkina pour intégrer cette dimension dans la phase 2 », plaide le directeur.
Dans cette cour habituellement silencieuse, les métiers à tisser et les cris des volailles sont devenus les signaux d’un changement. Derrière les murs de la MACB, des hommes et des femmes, condamnés par la justice, reprennent doucement possession d’un autre avenir : celui qu’ils construiront, fil après fil, œuf après œuf, en attendant le jour où la porte s’ouvrira.
Eugène KAM
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