Colonel Michael Randrianirina, l'homme au devant de la situation

Coup d’État à Madagascar : le colonel Randrianirina annonce sa prestation de serment, l’Union africaine suspend le pays…

(Ouagadougou, 16 octobre 2025) –  Le nouveau dirigeant militaire de Madagascar, le colonel Michael Randrianirina, a annoncé qu’il prêtera serment comme président vendredi 17 octobre 2025. Cette déclaration intervient alors que l’Union africaine a suspendu la Grande Île à la suite de la prise de pouvoir militaire.

“Ce n’est pas un coup d’État”

Lors d’une conférence de presse mercredi, le colonel Randrianirina a confirmé que l’armée avait pris le contrôle du pays et dissous toutes les institutions, à l’exception de l’Assemblée nationale.

 « Nous prêterons serment bientôt. Nous avons pris nos responsabilités hier [mardi dernier, ndlr] », a-t-il affirmé.

« Un coup d’État, c’est quand les soldats entrent au palais avec des armes et qu’il y a du sang. Ce n’est pas un coup d’État, nous avons pris notre responsabilité», a-t-il ajouté jeudi, assurant que sa désignation à la présidence « suit la procédure légale ».

La Haute Cour constitutionnelle a en effet invité le colonel à assurer la présidence de la République, un décret officialisant sa prise de fonction comme “président de la refondation de la République de Madagascar”.

Randrianirina insiste : « Madagascar n’a pas choisi un régime militaire. Le gouvernement appartient aux civils, et le conseil présidentiel est composé de militaires et de civils. »

Colonel Michael Randrianirina, l’homme au devant de la situation

Un climat apaisé après trois semaines de manifestations

Après trois semaines de mobilisation dans la capitale Antananarivo, la tension semble retomber.

Les barrages ont disparu, l’armée s’est faite discrète, et sur la place du 13-Mai, autrefois épicentre de la contestation, la population célèbre le retour au calme, rapporte Reuters.

Les manifestations, initiées par le mouvement Gen Z, dénonçaient d’abord les coupures d’eau et d’électricité avant de se transformer en contestation généralisée du régime.

La répression a été violente : au moins 22 morts et une centaine de blessés, selon un bilan de l’ONU.

L’Union africaine réagit : “L’État de droit doit prévaloir”

En réaction au coup de force, l’Union africaine a suspendu Madagascar “avec effet immédiat”.

Le président de la Commission, Mahmoud Ali Youssouf, a rappelé la position du bloc :

« L’État de droit doit prévaloir sur la loi de la force. Notre approche est fondée sur le droit et le dialogue. »

Face à cette décision, le colonel Randrianirina se veut conciliant.

Dans un communiqué publié mercredi soir, il a précisé que sa prestation de serment aura lieu vendredi 17 octobre, sous la supervision de la Haute Cour constitutionnelle.

Il a aussi affirmé être ouvert au dialogue avec l’Union africaine, tout en estimant que la suspension du pays était “prévisible”.

« À partir de maintenant, il y aura des discussions en coulisses. Nous verrons comment les choses évolueront », a-t-il déclaré jeudi.

La France, ancienne puissance coloniale, a appelé au respect de “la démocratie, des libertés fondamentales et de l’État de droit”.

Le secrétaire général de l’ONU s’est dit “profondément préoccupé par le changement inconstitutionnel de pouvoir”.

Cette suspension risque d’isoler davantage le nouveau régime sur la scène internationale.

Rajoelina en exil, après des “menaces graves”

L’entourage de l’ex-président Andry Rajoelina a confirmé dans la nuit de mercredi à jeudi qu’il avait quitté le pays entre le 11 et le 12 octobre, après des “menaces explicites et extrêmement graves” contre sa vie.

Il serait actuellement à Dubaï, selon des sources diplomatiques. C’est la première fois que Rajoelina reconnaît publiquement son départ, après des jours de silence.

Arrivé au pouvoir en 2009 à la faveur d’un précédent coup d’État, l’ancien DJ de 34 ans avait promis de lutter contre la corruption et d’améliorer les conditions de vie.

Mais seize ans plus tard, Madagascar reste l’un des pays les plus pauvres du monde : près de 80 % des 32 millions d’habitants vivent avec moins de 2,80 euros par jour, selon la Banque mondiale.

Entre 1960 et 2020, le PIB par habitant a chuté de 45 %, faisant du pays l’un des plus pauvres de la planète.

Madagascar, dont la population moyenne a moins de 20 ans, reste ainsi l’un des États les plus fragiles du continent.

Une transition sous contrôle de l’armée

Le colonel Randrianirina a promis la tenue d’élections “dans un délai de 18 à 24 mois”, après une période de refondation institutionnelle menée par le conseil de transition.

Il a réaffirmé que le Conseil présidentiel de la refondation serait mixte, composé à la fois de civils et de militaires, et que le gouvernement “appartiendra aux civils”.

La Haute Cour constitutionnelle a validé la procédure, soulignant que “la prise de fonction suit la voie légale”.

Ancien commandant de l’unité d’élite CAPSAT, déjà impliquée dans le coup d’État de 2009, Randrianirina avait été emprisonné fin 2023 pour “incitation à la mutinerie”.

Une nation suspendue entre espoir et méfiance

La population aspire à la stabilité après des années de promesses non tenues.

Mais beaucoup craignent que la transition militaire ne se prolonge, comme souvent dans l’histoire politique de la Grande Île.

Entre fête populaire et inquiétude diplomatique, Madagascar s’avance vers une période d’incertitude où le mot “refondation” devra prouver qu’il ne cache pas un retour des militaires au pouvoir.

Eugène KAM