Paul Biya est pour le scrutin du 12 octobre 2025

« Je ne prendrai aucun repos » : Paul Biya, le président qui défie le temps

À trois jours d’une élection présidentielle décisive prévue pour le 12 octobre 2025, le Cameroun s’avance vers un scrutin chargé d’incertitudes. En campagne dans l’Extrême-Nord, Paul Biya a lancé : « Je ne me résignerai jamais à la situation actuelle. Je ne prendrai aucun repos tant que des progrès significatifs n’auront pas été réalisés (…) » Des mots qui résonnent comme le fil conducteur de sa campagne. Entre nouvelles promesses de redressement et persistance du pouvoir. Mais derrière cette ferveur, une question persiste : le pays peut-il encore se réinventer sous l’ombre d’un président au pouvoir depuis plus de quarante ans ?

Paul Biya est prêt pour le scrutin du 12 octobre 2025

Un président éternel, entre mythe et fatigue nationale

Au pouvoir depuis novembre 1982, Paul Biya est rentré dans la campagne comme un vétéran sûr de son armée. Huitième candidature, même scénario : un parti, le RDPC, verrouillé et discipliné ; une opposition divisée ; et un appareil d’État bâti à son image. Depuis la suppression de la limitation des mandats en 2008, rien ne s’oppose légalement à sa longévité. Mais derrière l’assurance du discours présidentiel, la lassitude se lit sur les visages.

Quarante ans de pouvoir ont figé le pays entre stabilité revendiquée et stagnation assumée. Pour ses partisans, Biya reste celui qui a maintenu le Cameroun debout au milieu des crises régionales.

Pour ses opposants, il incarne au contraire une immobilité politique qui a étouffé les forces neuves et entretenu la peur du changement.

Une opposition éclatée, une jeunesse en attente

En face, l’opposition avance en ordre dispersé. Issa Tchiroma Bakary multiplie les sorties contre la “mauvaise gestion du régime”, sans convaincre au-delà de son cercle fidèle.

Le principal rival de 2018, Maurice Kamto, est écarté du scrutin, relançant les doutes sur la sincérité du processus électoral.

Et pendant ce temps, la jeunesse regarde la scène politique comme un vieux film qu’elle n’a jamais choisi.

Plus de 70 % des Camerounais ont moins de 35 ans. Ils n’ont connu qu’un seul président. Leur regard sur le pouvoir mêle lucidité et distance. « Nous voulons du changement, pas de nouveaux discours », confie un étudiant de Douala, joint par Fadima Web TV. Cette génération connectée, instruite, veut croire en un avenir différent sans encore voir la voie pour y arriver.

Un pays entre héritage et horizon

Depuis quatre décennies, le “système Biya” s’est enraciné. Il repose sur un équilibre délicat : un État fort, une élite fidèle, une diplomatie prudente. Mais derrière cette façade de paix, les fractures sont profondes : crise anglophone non résolue, chômage massif, corruption chronique et économie dépendante des matières premières.

Le Cameroun reste un pays tenu ensemble par la mémoire plus que par le projet. Une nation qui avance à petits pas, entre nostalgie du passé et peur de l’inconnu.

2025 : le scrutin de la mémoire

Ce scrutin n’est plus seulement une élection. C’est une épreuve de mémoire nationale. Car Paul Biya, au-delà de l’homme, incarne une époque entière : celle où le pouvoir n’était pas un mandat, mais une continuité. Sa phrase  « Je ne me résignerai jamais à la situation actuelle » peut se lire de deux façons : comme une promesse de combat… ou comme l’aveu d’une génération politique qui refuse de passer la main.

Quarante-trois ans après son arrivée au pouvoir, le Cameroun semble hésiter entre deux fidélités : celle à un chef qui a garanti la stabilité, et celle à un avenir qu’il faut oser réinventer.

À la veille du scrutin, la vraie question n’est donc pas de savoir qui gagnera, mais ce que le pays est prêt à perdre ou à préserver pour enfin se réinventer.

Eugène KAM